Eucharistie du 29 Mars 2020, 5ème Dimanche de Carême

Homélie du dimanche 29 mars 2020 :

Jésus cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »

Dans la situation présente, contraints de rester dans nos maisons ou appartements, ne pouvant aller les uns chez les autres, privés des liens physiques avec nos proches et nos amis, avec nos collègues de travail, avec ceux que nous rencontrons habituellement dans le cadre d’activités culturels, sportives, paroissiales, nous ressentons comme une immense frustration le fait de ne pouvoir sortir…

Le beau temps vient encore ajouter à cette frustration.

Quand viendra-t-il le temps où nous seront libérés des bandelettes de la solitude, de l’angoisse, de la tristesse, de la peur… ?

Quand pourrons-nous de nouveau aller et venir au grès de nos envies ?

Il faut bien l’avouer : nous vivons actuellement une forme de mort, comme Lazare, nous sommes dans la nuit du tombeau. La vie semble s’être arrêtée, autour de nous c’est plus calme et plus silencieux.

Et les quelques regards que nous pouvons croiser lorsque nous devons nous rendre à la pharmacie ou chez le boulanger, expriment la peur de l’autre…

C’est ce qu’il y a de pire ! Ne plus voir en l’autre mon semblable, un frère, une sœur, mais quelqu’un qui pourrait être porteur du virus et qui pourrait me le transmettre… La distance n’est pas seulement physique ! C’est l’odeur mortifère qui émane du tombeau.

Jésus pleure. C’est rare, dans l’Evangile de voir Jésus pleurer. Il pleure avec nous, nos morts, ceux du Covid-19 et tous les autres, parce que nos souffrances le touchent.

Mais Jésus ne se laisse pas arrêter, ni par ceux qui pensaient qu’il n’y avait plus rien à faire pour un cadavre mort depuis plusieurs jours déjà, ni par les pleurs de Marthe et Marie, les deux sœurs de Lazare, ni par la lourde pierre qui ferme l’entrée du tombeau, ni par la mort elle-même !

Mais Il demande la foi ! Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-Je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » Nous pouvons donc en être sûrs : si nous croyons, nous verrons aussi la gloire de Dieu !
Le moment viendra où nous pourrons entendre Jésus nous dire : « Viens dehors ! »

« Venir dehors » revêtira des sens différents pour les uns et les autres. C’est ce qui se passera après la pandémie. C’est normal d’y penser déjà !

Rien n’est dit dans l’Evangile qu’une fois revenu à la vie, Lazare a retrouvé sa vie d’avant.

Nous ne retrouverons pas non plus exactement notre vie telle qu’elle était avant la pandémie, comme si une fois le Civid-19 éradiqué, toutes ces semaines de quarantaine ne seraient plus qu’un mauvais souvenir, une parenthèse, et que la vie reprendrait son cours normal. Qu’est-ce qui sera encore « normal » ?

Bien des choses seront différentes, nous-mêmes nous seront différents, marqués par nos peurs, nos fragilités, les effets du confinement, des êtres chers que nous aurons peut-être perdus et auxquels nous n’avons pas pu dire « à-Dieu » à travers une célébration à l’église, des tensions qui auront pu naître dans tel ou tel couple, telle ou telle famille, des liens sociaux défaits qu’il faudra refaire, sans parler d’une inévitable crise économique au niveau mondiale qui aura des répercussions sur la vie économique des nations, nos vies…

Et qu’en sera-t-il sur le plan de la foi, de notre vie chrétienne ?

L’appel de Jésus « Viens dehors » sera nécessairement aussi de l’ordre de la conversion, du changement des habitudes et des comportements comme l’a souligné le pape François dans sa méditation à partir du récit de la « tempête apaisée » vendredi soir sur la Place Saint-Pierre. Je le cite : « La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités… (…) … nous sommes allés de l’avant à toute vitesse, en nous sentant forts et capables dans tous les domaines. Avides de gains, nous nous sommes laissé absorber par des choses et étourdir par la hâte. Nous ne nous sommes pas arrêtés face à Tes appels, nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaires, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade. »

L’appel de Jésus « Viens dehors » il nous faut l’accueillir ici et maintenant dans notre foi. En ce sens-là, le Carême est une chance, particulièrement cette année où il ne ressemble à aucun autre, en corrigeant la trajectoire de notre vie par une fidélité plus grande à l’Evangile.

La pandémie nous fait vivre des choses difficiles, éprouvantes même pour certains, mais elle permet aussi de belles choses, des initiatives et des solidarités qui sans doute n’auraient pas vu le jour si les circonstances n’étaient pas ce qu’elles sont.

Tout ce que nous aurons réussi à réaliser à force de courage et de générosité, de créativité aussi, ne devra pas être oublié !

Il faudra au contraire l’amplifier lorsque serons de nouveau dehors dans le monde.

Chers frères et sœurs, chers amis, ne perdez pas espoir. Bientôt nous fêterons Pâques, la Résurrection du Seigneur.

Pour Jésus aussi il y a eu un avant et un après la Résurrection. Lui aussi a connu l’ombre du tombeau. De ce tombeau ouvert a jaillit la vie en plénitude, la vie éternelle !

Cette vie n’est pas pour plus tard, elle est déjà pour maintenant. Elle nous ouvre à l’Espérance que pas même un virus ne pourra nous ravir !

Courage ! Demeurer fermes dans le Seigneur, lui a qui a promis à Marthe qu’elle verrait la gloire de Dieu !